COMMENTAIRES DE LA LEçON 1

- òu, Joanon, e alara, dises pas pus bonjorn als amics, tot d'un còp?

NOTER:

"Joanon", Jeannot. La forme classique pour le prénom "Jean" est "Joan" qu'il faudrait donc prononcer "Tchwan", mais on en reste généralement dans la langue parlée à l'usage français "Tchan", "Tchanou"...

"e alara" = et alors. La langue parlée a souvent gardé la prononciation "alòr" qui est un gallicisme.

"dises pas pus"=tu ne dis plus. Littéralement: "tu ne dis pas plus". L'occ. redouble généralement les négations pour les renforcer. Pour "ils n'y sont plus" on dira par exemple: "ié son pas pus", ou "ié son pas mai"...

Noter aussi qu'on omet le pronom et qu'on dit donc "dises" e non "tus dises". On pourrait dire "tus dises" pour insister sur la personne: "toi, tu dis..."

"als"=aux. Se prononce "as". On dit donc "az'amis".

 

- Tè, Miquelon, pr'exemple aquela, e ben nani, me creiràs pas se t'o dise, t'aviái pas vist, imagina-te. Me desencusaràs? Mès siái content de te veire, bòta.

NOTER:

"e ben": c'est le "eh bé" très connu du français méridional, directement venu de l'occ.

"nani", non, est un mot emprunté au français "nenni", qui a un sens de dénégation plus prononcé que "nò" ou "non" qui veulent diresimplement "non".  

"se t'o dise"="si je te le dis". "o" (prononcé "ou") est un pronom personnel neutre, qui désigne donc un concept, une action, et non une personne ou un objet. Si on a vu une personne on dira "l'ai vist" (je l'ai vu) et si on a vu se dérouler un évènement on dira "o ai vist" . 

Dise vient du verbe "dire" qui je conjugue ainsi à l'indicatif singulier:

dise, dises, ditz, disèm, disètz, dison

(prononcer: sé, sès, dis, dizèn, dizès, dîzou). Les conjugaisons, qui présentaient de nombreuses variantes dialectales, sont fortement unifiés par l'écrit. On reconnait les désinences

-e
-es
-
-m
-tz
-on

La 1° personne en -e est typique de la Provence rhodanienne et du montpelliérain, mais dans l'ensemble des parlers occitans c'est -i qui désigne la 1° p du sing. 

"m" et "tz" se prononcent de façon adoucie "n" et "s". 

La terminaison de la 3° pers du plur se prononce "ou" non accentué dans tous les temps et pour tous les verbes, mais s'écrira selon les cas "-an", "-on", "-en". On ne pronoce jamais ce "n" final et on dit indifféremment "ou" non accentué, comme ici "dison=zou".

"t'aviái pas vist" (prononcé "t'abièi pa bist"). "Je ne t'avais pas vu". Français local: "je t'avais pas vu". L'occ n'a pas cette particule négative "ne" du français. Lorsqu'il écrit "ne" c'est un mot tout différent, adverbe pronominal, qui s'ignifie "en". 

le digraphe "iá" correspond à ce qui s'écrivait "ia" en vieil occitan, et qui s'est accentué avec l'évolution de la langue. A Mtp et en Provence, "iá" se prononce "iè". Plus à l'Ouest "iá" se prononce "iò". Cet usage occidental apparaît dès la vallée de l'Hérault, à Gignac, St André de Sangonis, Agde, etc...

'iá" est retrouvé dans les conjugaisons comme désinence de l'imparfait et du conditionnel. Voyons par exemple le verbe avoir:

1) indicatif présent

ai
as
a
avèm
avètz
an

2) indicatif imparfait

aviái
aviás
aviá
aviam
aviatz
avián

1) conditionnel

auriái
auriás
auriá
auriam
auriatz
aurián

 

Ou sous forme phonétique:

1) indicatif présent

ai
as
a
abèn
abès
an

2) indicatif imparfait

abièi
abiès
abiè
abian
abiàs
abièn

3) conditionnel

aurièi ou awyèi
auriès ou awiès
auriè ou awyè
aurian ou awyan
auriàs ou awyàs
aurièn au awyèn

"iá" se trouve aussi dans certains substantifs féminins: "salopariá", saloperie, "galariá", galerie... (prononcer saloupayè, galayè...). 

"Me desencusaràs?", "tu m'excuseras?". On aurait aussi pu dire: "m'excusaràs?" ou "me perdonaràs?". Le ton suffit pour marquer l'interrogation. L'occ parlé populaire pouvait rajouter des toursde phrase francisés pour renforcer le caractère interrogatif: "es que m'excusaràs? ", "m'excusaràs-ti?". Ces tournures ne sont guère correctes malgré leur large usage. 

L'indicatif futur se construit facilement avec l'infinitif plus une désinence qui est approximativement celle du verbe avoir à l'indicatif présent:

desencusar+

-ai
-as

-em
-etz
-àn

soit

desencusarai
desencusaràs
desencusarà
desencusarem
desencusaretz
desencusaràn

A noter au futur la prononciation des 1° et 2° personnes du pluriel qui est un "é" fermé (dézénkurarén, dézénkuzarés) et s'écrit donc sans accent, alors qu'à l'indicatif on avait "avèm, avètz" avec des "è" ouverts (accent grave). 

"Mès siái content de te veire, bòta.". La conjonction notée en occ normalisé "mas" se prononce à Mtp exactement comme le "mais" en français local, qu'elle traduit. Pour le rappeler nous la notons "mès" dans ces exercices mais la notation correcte est "mas". 

"siái", "je suis" est la 1° personne du singulier de l'indicatif présent du verbe "èstre" ou "èsser" (pron. èsse), être. On trouve à Mtp "siái" (pron syèy) et "soi" (pron. souy). A Sète prévaut la forme "siáu" (sièw) qui est en usage dans toute la Provence. 

Indicatif présent de èstre:

siái/soi (je suis)
siás (tu es)
es (il est)
sèm (nous sommes)
sètz (vous êtes)
son (ils sont)

dont voici la prononciation:

sièi
siès
és
sèn
sès
soun

"bòta" est une interjection pour ponctuer la phrase, qui s'ignifie "eh bien", "alors"... 

- E onte vas coma aquò?

NOTER:

"onte", (pron. oun) = "où", s'écrit "ont" en occ normalisé. On prononce aussi pour insister encore sur l'interrogation de lieu mounte, à m'ounte, etc...  Ces tours de langage populaire ne sont en général pas marqués par l'écrit. 

"Coma aquò", "comme ça", est resté dans le français local. On peut aussi dire "antau" (pron. antaw") = "ainsi". 

- Onte vau? E ben, per lo moment, cèrque un arrestador de tramvai.

NOTER:

"vau", je vais. 1° personne de l'indicatif du verbe "anar", aller. C'est un verbe irrégulier. Voici sa conjugaison à l'indicatif présent:

vau
vas
vai
anam
anatz
van

la prononciation est sans particularités:

baw
bas
bay
anan
anas
ban

Comme on le voit ce verbe se conjugue en utilisant tantôt le radical "ana-" tantôt le radical "va-". Par exemple à l'indicatif futur on aura: 

anarai
anaràs
anarà
anarem
anaretz
anaràn

"cèrque", je cherche, vient du verbe "cercar", verbe régulier qui, comme "desencusar" vu plus haut, se conjugue sur "parlar" (1° conjugaison). Il y a un autre verbe pour dire "chercher", qui est irrégulier: "quèrre"(ou querir). Il est moins usité à Mtp sauf à l'infinitif: "va le chercher"="vai lo quèrre". 

- De tramvai? Nautres disèm puslèu lo tram. Es mai cort. Vas veire. Es un pichon  tram tot bravet embé de polits vagons blaus que dessús ié son pintrats d'aucèls.

NOTER:

"Nautres" ou "nosautres", traduit "nous-autres", "nous en temps que groupe". Il est très employé à la place de "nos"(nous) et insiste davantage sur le groupe sujet de la phrase. 

"disèm" vient de "dire" (même sens qu'en français) qui se conjugue ainsi à l'indicatif  présent:

dise
dises
ditz
disèm
disètz
dison

 "embé", avec. La forme normalisée en occitan écrit est "amb" ou "ambé" qui se prononce d'ailleurs ainsi à Sète et dans la vallée de l'Hérault. A Montpellier et en allant vers la vallée du Vidourle on prononce "emb/embé", "end/endé", "em/emé". Dans ce site on note "embé" pour indiquer la prononciation montpelliéraine, mais dans l'écriture normalisée il vaut mieux écrire simplement "amb" qui est le même mot qu'en Catalan.  

 "blau" (féminin: blava) s'ignifie en fait "bleu fade, blême", mais on l'a normalisé dans le sens de "bleu" pour supprimer le gallicisme "blu (féminin bluia) général dans l'occ parlé et qui échappe encore souvent aux écrivains dans le feu de l'écriture. 

"que dessús ié son pintrats d'aucèls": noter la tournure de phrase pour dire "sur lesquels sont peints des ouseaux". On aurait pu dire aussi: "que sus eles i a d'aucèls de pintrats", mais "sus losquals i a d'aucèls pintrats" est franchement inusité et inélégant.

"ié" est la notation phonétique pour "i" (français) "y", adverbe pronominal de lieu. Il vaut mieux écrire seulement "i" ("que dessús i son pintrats d'aucèls"). 

"Quanta mena d'aucèls?"

NOTER:

"Quante, quanta", est le pronom interrogatif quel, quelle, (on trouve quan/quana et quin/quina en langue normalisée). Pour une personne on dirait "quau, quala" qui, quelle.

"O sabe pas tròp. D'irondèlas, benlèu. O de cardonilhas. Coma que siágue, un arrestador aquí n'as un, a tres passes. Au cap de la carrièira. Pòs pas lo mancar."

NOTER:

"O sabe pas tròp", je ne sais pas trop bien. "sabe", indicatif présent de "saber" ou "saupre", savoir, verbe irrégulier qui se conjugue ainsi à l'indicatif présent:

sabe, je sais
sabes (ou familièrement  sas), tu sais
sap, il sait
sabèm, (prononcer sabèn) nous savons
sabètz (prononcer sabès) vous savez
sabon (prononcer sabou) ils savent

"benlèu", peut-être, prononcer "bélèw". 

"coma que siágue" littéralement "comme que ce soit", tournure courante en français local. Subjonctif présent du verbe être (èsser/èstre). La réforme linguistique de Louis Alibert a préconisé un retour dans l'écrit aux subjonctifs classiques que l'on retrouve à Mtp au XVIIe siècle chez Sage et Roudil. Voici donc les subjonctifs de la langue populaire en usage à Montpellier au XXe siècle, les subjonctifs normalisés (cf Alibert, Gramatica p 158; Sauzet & Ubaud p 51), et leur prononciation:

 

subjonctif "populaire"

montpelliérain

phonétique

français

subjonctif

normalisé

subjonctif "populaire"

Lansargues

Candillargues

(que) siágue
siágues
siágue
seguem
seguetz
siágon
(que) siègue
siègues
siègue
seguèn
seguès
siègou
(qu'il) soit
sois
soit
soyons
soyez
soient
(que) siá
siás
siá
siam
siatz
sián
(que) siágue
siágues
siágue
saguem
saguetz
siágon

"un arrestador aquí n'as un". Avec un verbe et le suffixe -ador (-adoira au féminin) (qui se prononce "adou", "adouyra") on crée de nombreux substantifs ("noms d'agents"), ainsi "arrestador" = "arrêtoir", lieu où l'on s'arrête, "gelador" lieu où on se gèle, etc...

"aquí n'as un": tournure idiomatique pour dire: "en voici un". Littéralement "ici tu en as un". "Le voici": aquí l'as" (littéralement "ici tu l'as").  

"a tres passes", à trois pas, tout près. Noter le pluriel passes pour "pas", le pas. Ces pluriels traînants en -sses sont très populaires à Montpellier et la langue écrite ne les accepte pas tous: peu-peusses (cheveux, poils); pè-pèses (pieds), etc... mais par exemple "escalièr-escalièrses" fait froncer les sourcils au puriste...

"Pòs pas lo mancar", tu ne peux pas le rater. "pòs" est la 2° personne de l'indicatif présent de "poder/porre" pouvoir. A Mtp la conjugaison de "poder" est parfaitement classique, c'est celle qu'ont retenu les ouvrages normatifs (ex. Sauzet & Ubaud p 96)

pòde
pòdes/pòs
pòt
podèm
podètz
pòdon