SPELEOLOGIE DU LARZAC ET DE LA SERANNE

1. Très hauts niveaux de galeries.

 

La figure 1 montre que les galeries de grottes et avens de la Séranne forment une série de niveaux, répartis de façon discontinue en fonction de l'altitude.

1.1. Le niveau de galeries des 700m.

Ce niveau est le plus facile à individualiser.

Son étude nous aidera à "caler" chronologiquement les karstifications les plus anciennes de la Séranne.

Il est frappant de retrouver d'une extrêmité à l'autre de la chaîne avec une certaine uniformité de vastes conduits d'allure souvent imposante, correspondant à de grosses galeries très remaniées par le remplissage, exhumées par tronçons au voisinage des versants ou de la surface, souvent à la faveur d'avens dont le creusement les a rajeunis.

Depuis les avens du Lac Rouge et l'aven Bourrié au voisinage du Roc Blanc, jusqu'à l'aven du Fariol et aux avens SE et NW de la Séranne, en passant par l'aven de la Coupette, une trentaine de conduits horizontaux sont ainsi "suspendus" à 700m d'altitude.

Cette altitude de 700m est celle d'une série très visible de replats qu'on retrouve du Plo de la Trivalle au Lac de la Signole, en passant par le Rancas et le Serre des Pins dans le secteur de Larret. De simples porches totalement obstrués, comme les baumelles du Pujeu, sont aussi à cette altitude. Si les travaux de E. Coulet intègrent ces niveaux de replats dans la "haute surface" oligocène, les conceptions plus récentes en font un témoin du premier stade des poljés mis en place lors de la distension oligocène.

C'est la "S1" des travaux de H. Camus. Quelques cavités comme l'aven de la Carrière, l'aven cave de la Trivalle, l'aven de la Baraque du Bout de la Côte, sont directement placées sous cette surface et ont un air de parenté avec nos galeries du niveau des 700m de la Séranne.

Nous proposons donc de rattacher ce haut niveau bien représenté sur la Séranne à la surface S1 de Hubert Camus. Ces conduits représenteraient ainsi les galeries actives défonçant le plancher ou trouant les buttes d'un karst en "tas de foin" (kuppenkarst) évoluant en ambiance tropicale humide, qui a façonné notre surface S1. Le bas des tas de foin est à 700 et leur sommet à 750 ou 800.

Suspendu au dessus de S1, le niveau de galeries des 700m ne peut qu'être contemporain de sa mise en place ou lui être antérieur.

On peut objecter contre cette datation l'existence de deux épisodes diastrophiques classiquement décrits: l'épisode messinien (anciennement dénommé:" pontien") et l'épisode "plio- quaternaire". Tous deux sont supposés avoir exhaussé le bâti cévenol en gradins, disloquant les anciennes surfaces.

Cependant,

(a) l'importance réelle de ces deux phases dans l'orogénèse locale est actuellement minimisée par les géomorphologistes (ont- ils vraiment raison?);

(b) les surfaces du Larzac et de la Séranne sont en continuité, non séparées par des accidents tectoniques majeurs, et rien n'indique qu'un décalage se soit installé entre elles lors de ces périodes.

Avec les réserves qui s'imposent du fait de la remise à jour épisodique de ces conceptions, nous pensons donc qu'il est raisonnable de rattacher le niveau des 700m à la surface "S1" (donc actuellement supposée Oligocène).

Le secteur du Roc Blanc, reconnaissons le, présente quelques difficultés et les surfaces en question y ont peut-être été plus récemment décalées en hauteur...

D'autres conduits spectaculaires, plus bas situés pourraient être assimilables à cette phase de creusement, tels l'aven de Fouillac ou l'aven N°1 de la Sauvy. Leur altitude inférieure à 700m n'infirme en rien une telle ancienneté, mais ne permet plus de l'affirmer par "calage" chronologique...

 

1. 2. Autres karstifications paléogènes.

 

Une fois établie dans notre argumentation l'ancienneté oligocène du niveau des 700m, il est intéressant de spéculer sur certains témoins de karstifications encore plus archaïques.

Maurice Laurès avait déjà signalé en 1954 un niveau de galeries à 935m d'altitude: les grottes du Roc Blanc. Ces grottes sont des éléments de paléokarst antérieur à la mise en place de la surface des 700m. A-t-on des indices pour préciser un peu leur datation? En repointant l'aven N°2 du Roc Blanc de nos collègues de l'Alpina, nous avons observé un intéressant dépôt de dragées de quartz à 900m d'altitude dans la doline qui domine cette cavité. Les cimes de la Séranne, incluses classiquement dans la "haute surface" de E. Coulet, prennent un "coup de vieux" puisqu'elles seraient en fait un kuppenkarst mis en place sous couvert siliceux avant l'Oligocène, en ambiance tropicale. On avance l'hypothèse d'un karst éocène, justement caractérisé par de telles dragées de quartz. Les grottes du Roc Blanc pourraient donc témoigner de cette paléotopographie éocène...

Il y a probablement des témoins de karstifications plus antiques encore sur la Séranne. Les grands vides (Fouillac, Sauvy, Fariol, Coupette) pourraient en fait avoir réutilisé des poches crétacées ou paléocènes, comparables au paléokarst de la Virenque qui date au moins du Coniacien (-88 MA), ou des poches du Pic Saint Baudille, de l'Argillou et de Costeplane datées du Rognacien (-70 MA). Ces données restent encore un peu hésitantes mais se préciseront sûrement dans les années à venir.