GORMONDA DE MONTPELHIER

Coma o avèm vist, los sentiments occitanistas de Gormonda son pas los de Napoleon Peyrat o de Filadèlfa de Gèrda. Per parlar dels erètges la bèla (e devociosa) montpelhieirenca retròba, amb una fòga qu'es de remarcar, los accents de Guilhèm de Tudèla. E ni Tolosa e ni Avinhon son pas tròp amistadosament tractadas... Alara, ja au sègle XIII, Montpelhièr, isclon de franchimanditge integrau au mitan d'Occitània? Ostila a l'ensèms dau païs que l'enronda e mai favorabla a las ferotjas tropeladas barbaras davaladas de la nèblas ubaguièiras??? Pas tant simple, sai que... Los comentators an temptat d'o explicar...

« Le fait, remarque J. Anglade dans son livre, Les Troubadours, qu'une femme écrit une poésie religieuse pour défendre la papauté est un nouveau signe des temps. Nous voilà loin, bien loin, de la comtesse de Die. Il s'est produit dans les moeurs une transformation profonde. La ruine de la noblesse méridionale la destruction de ces foyers intellectuels que furent la plupart des petites cours du Midi a porté à la poésie des troubadours une atteinte dont elle ne se relèvera pas. L'établissement de l'Inquisition, la création des ordres religieux, la transformation qui s'opère dans les moeurs amènent le développement d'une poésie nouvelle : c'est la poésie religieuse. »

Très bien. Mais on se demandera peut-être comment il se fait que ce soit de Montpellier qu'une voix ait pu s elever en faveur de l'Église. C'est tout simplement parce que Montpellier étant restée en dehors de la lutte n'en avait pas souffert. Deux raisons expliquent l'attitude de cette ville sa constitution politique, d'une part ; sa fidélité à l'orthodoxie, d'autre part. La Seigneurie de Montpellier appartenait pourtant a Pierre II d'Aragon, qui se battait contre les Croisés, aux côtés du Comte de Toulouse, son beau-frère, et qui devait mourir sur le champ de bataille de Muret, où sombra la Cause méridionale (12 septembre 1213). C'est par son mariage avec Marie de Montpellier (15 juin 1204), que Pierre II était devenu seigneur de Montpellier, succédant à Guilhem IX, dernier seigneur de la dynastie des Guilhem, chassé par une révolution. Deux mois après son mariage le I5 août I204, il signait la Charte reconnaissant les privilèges de la commune de Montpellier, privilèges si étendus qu'ils faisaient de cette commune une véritable république, gouvernée par ses consuls élus. Voici de cette Charte l'article 89, qui réglait la situation de Montpellier en ce qui concernait ses obligations militaires

« ARTICLE 89. Le seigneur de Montpellier a droit, de la part des hommes de cette ville, présents et futurs, au service d'host et de chevauchée, mais seulement pour des maléfices et injures dirigés contre les habitants, la Seigneurie ou le territoire de ladite ville, dont l'auteur refuserait de donner satisfaction. Les hommes de Montpellier font alors la chevauchée, selon l'usage antique et ordinaire. »

Il ressort de cet article que, les Croisés n'ayant attaqué ni la Seigneurie ni la commune de Montpellier, Pierre II n'avait pas le droit d'y lever des troupes, et il ne le fit pas. D'autre part, si les Croisés respectèrent Montpellier, c'est que cette ville était complètement exempte de l'hérésie cathare. Très catholique, parfaitement orthodoxe, elle avait, en outre, toujours entretenu les relations les plus etroites même avec le Saint- Siège, qui y exerçait, par suite d'actes antérieurs, une sorte de suzeraineté par l'intermédiaire des évêques de Maguelone. Innocent III, qui ordonna la Croisade des Albigeois, voulut qu'un de ses légats, le cardinal Jean de Saint-Paul, établît sa résidence à Montpellier. « Montpellier - écrit l'historien Germain fut, par suite de cette mesure, destinée à devenir le centre et en quelque sorte le quartier général des opérations catholiques contre l'hérésie. Le cardinal Jean de Saint-Paul devait, sous la protection du seigneur et des magistrats de cette Ville, y exercer, pour ainsi dire, le ministère d'ambassadeur permanent du Saint-Siège dans les provinces albigeoises... C'est de Montpellier que part, en I208, Pierre de Castelnau, naguère archidiacre de Maguelone, pour aller moissonner la palme du martyre sur les bords du Rhône. C'est à Montpellier que vient mourir, en 1209, le légat Milon, l'acteur principal de la grande scène pénitentielle de Saint-Gilles, où Raimon VI s'humilia tant. C'est à Montpellier encore que l'armée des Croisés stationne et se repose avant de se diriger vers Béziers. Montpellier, durant cette guerre, est toujours l'asile des champions de la Foi, missionnaires et soldats. » C'est aux mêmes raisons, les libertés politiques dont elle jouissait et sa fidélité à l'orthodoxie religieuse, que la ville de Nîmes dut de demeurer également étrangère à la croisade.Il convient toutefois d'ajouter une autre raison : c'est que Montpellier et Nîmes n'eurent pas conscience de la solidarité méridionale que comprirent d'autres villes qui étaient aussi libres qu'elles et qui n'étaient pas plus cathares qu'elles. Il ne faudrait pas croire cependant que les Montpelliérains nourrissaient des sentiments amicaux pour les « Français » et qu'ils voyaient d'un oeil favorable l'entreprise de conquête de Simon de Montfort. Tous les historiens constatent le contraire. Ainsi les Montpelliérains ne voulurent pas permettre à Simon de Montfort, dont l'ambition leur faisait peur, d'entrer dans leur ville. Le moine Pierre de Vaulx-Cernay, dans sa chronique de la Croisade, dont il est le contemporain, le leur reproche aigrement en les traitant de mauvais hommes et d'orgueilleux, détestant les Français et le comte de Montfort

« Homines Montispessulani, utpote pessimi et superbissimi semper exosum habuerunt comitem et omnes Francigenas, ita quod ipsum comitem non permittebant montempessulanum intrare. »

Il s'agit d'un incident très significatif que Pierre de Vaulx-Cernay raconte lui-même tout au long. C'était au moment où était réuni le concile de Montpellier de 1215 où Simon de Montfort fut proclamé « prince et monarque » de tout le pays albigeois, sauf ratification du pape. Simon aurait bien voulu assister à ce concile pour surveiller ses intérêts, mais, connaissant les fâcheuses dispositions des Montpelliérains à son égard, il demeurait dans un château du voisinage, de la dépendance de l'évêque de Maguelone. Un jour, n'y tenant plus, de connivence avec cardinal-légat, Pierre de Bénévent, président du concile, il se glissa avec ses deux fils à l'é lise Notre-Dame des Tables, pour y parlementer avec les évêques. Mais on ne tarda pas à l'apprendre en ville. La population prit les armes, s'attroupa devant l'église, ainsi que dans la rue par où l'intrus pouvait sortir, prête à lui faire un mauvais parti. Simon de Montfort ne réussit que par miracle à s'évader par une porte dérobée. L'historien Germain, dans son Histoire de la Commune de Montpellier, commente cet incident Les bourgeois de Montpellier n'aimaient pas plus les Français du Nord que ne les aimaient ceux des autres villes du Midi. Ils aimaient les papes, leurs protecteurs et étaient profondément catholiques, complètement dévoués à l'Église. Mais ils distinguaient fort bien l'Église du parti des barons du Nord. » Qui expliquera maintenant pourquoi Montpellier et Nîmes, après s'être gardées de l'hérésie albigeoise, devinrent plus tard les boulevards de la Réforme, et pourquoi, au contraire, la Réforme n'a jamais pris racines dans des villes où le catharisme s'était autrefois implanté, et dans d'autres villes, comme Avignon, Beaucaire, par exemple, qui, sans avoir été cathares le moins du monde, avaient soutenu des luttes héroïques pour le Comte de Toulouse ?

Pour en revenir a Germonde, on comprend maintenant qu'une voix ait pu s'élever pour prendre la défense de Rome contre les troubadours qui maudissaient la croisade et ses conséquences politiques. Car ils furent nombreux, ceux d'entre eux qui, comme Guilhem Figueira, en face de ces évènements qui les blessaient dans leur patriotisme et compromettaient, ruinaient même leur situation personnelle, surent « ajouter à leur lyre une corde d airain. »

Il suffit de nommer Peire Cardenal, Anelier, Aimeric de Peguilhan, Sordel, Perdigon Boniface de Castellane) Montanhagol, Tomieri et Palazis, Sicart de Marvejols, dont la plainte s'est prolongée jusqu'à nous :

Ai ! Toloza e Proensa

E la terra d'Argensa

Bezers e Carcassey,

Quo vos vi, quo'us vey

(Hélas! Toulouse et Provence - Et la terre d'Argence, Béziers et Carcassonne, Quels je vous vis, quels je vous vois !) (9).

De nos jours, la Croisade des Albigeois a été diversement jugée. Mais il est un peu trop facile de dire que lorsqu'elle l'a été sévèrement, ces jugements sont dûs à l'esprit de parti. Leurs auteurs ne sont pas tous des protestants, ou des sectaires anticléricaux, ou des écrivains emportés par une imagination romantique. C'est la vénérable Histoire Littéraire de la France qui écrit que la Croisade était une expédition de conquête. C'est le très catholique professeur Germain, de Montpellier, qui écrit dans sa remarquable Histoire de la Commune de Montpellier « Dans la croisade contre les Albigeois, il n'y avait pas seulement une question religieuse à débattre, il y avait aussi une question politique des plus graves : il y allait de l'avenir et de la nationalité de nos provinces ; il s'agissait de savoir si le Nord l'emporterait sur le Midi.Cela explique l'opiniâtreté et l'acharnement de la lutte. »

Les poètes provençaux modernes, héritiers des troubadours, ont tous pris parti contre la Croisade : Mistral, Félix Gras, Pierre Dévoluy, Marius André, en Provence; Auguste Fourès, Prosper Estieu, Antonin Perbosc, Jeanne Barthès, Louise Paulin, en Languedoc; Philadelphe de Gerde, en Bigorre (...)

(Juli Veran)

Gormonda: lo tèxt occitan dau sirventés
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