GORMONDA DE MONTPELHIER
LA REVIRADA DAU SIRVENTÈS
Ce qui m'est pénible à supporter, c'est quand j'entends proférer et répandre de pareilles impiétés, ce qui ne me plaît ni ne me convient, car personne ne doit aimer qui délaisse la source d'où vient et naît tout bien et où se trouvent le salut et la foi ; et voilà pourquoi je ferai paraître et connaître ce que je pense.
Que personne ne s'étonne si je pars en guerre contre le faux mal appris qui enterre, comme il peut, toutes les bonnes actions courtoises, les pourchasse et les emprisonne. Il fait trop le hardi en parlant mal de Rome, qui est le chef et le guide de tous ceux qui sur cette terre ont bon esprit.
A Rome se trouve parfait tout bien ; fou celui qui le lui enlève, il se leurre en effet, lui-même, car il sera anéanti et perdra son arrogance. Dieu entende mes prières pour que ceux qui exercent leurs mauvaises langues contre la loi romaine, jeunes et vieux, tombent des balances (1).
Rome, je les tiens tous pour des sots pour une espèce grossière, pour pleinement aveugles, car dans leur chair et leur os, ils sont chargés de vices bas, ce qui les entraîne dans la fosse où leur est préparé un mauvais feu puant qui ne les déliera jamais du faix de leurs péchés.
Rome, il ne me plaît point qu'un homme vil vous combatte. Avec les bons vous avez la paix, et chacun d'eux se range près de vous. De ces fous leur folie a fait perdre Damiette (2), mais votre sagesse rend, sans conteste, misérable et malheureux celui qui se déchaîne contre vous et se conduit mal.
Rome, je sais et crois vraiment, sans aucun doute, que vous conduirez toute la France au vrai salut; oui, ainsi que ceux ailleurs qui veulent nous aider. Mais ce que Merlin a dit, dans sa prophétie, du bon roi Louis (3), qu'il mourra à Montpensier s'éclaire maintenant.
Pires que les Sarrasins et d'âme plus fausse sont les misérables hérétiques. Qui favorise leur état va dans le feu de l'enfer, en damnation. A ceux d'Avignon vous avez réduit, ce qui me fait plaisir, l'abusif droit de péage (4), ce qui était un grand mérite.
Rome, avec raison vous avez redressé sans réserve maintes erreurs et ouvert la porte du salut dont la clé était faussée, car avec une ferme autorité vous rabaissez sotte raillerie; qui suit votre voie, l'ange Michel l'emporte (au ciel) et le garde de l'enfer.
Eté comme hiver, l'homme doit, sans contredire Rome, lire le cahier (des Ecritures), sans y rien changer, et quand il voit la dérision avec laquelle Jésus fut martyrisé, qu'il médite le cas, s'il est bon chrétien, et s'il n'en a point souci, il est complètement fou et vain.
Rome, avec ses paroles folles et grossières et sa religion suspecte, il semble bien que le méchant [poète] soit de Toulouse où des tromperies assurément on n'a jamais eu vergogne. Mais avant deux ans il faut que le noble Comte, délaissant mensonges et fausse religion, répare les dommages causés.
Rome, que le grand roi, seigneur de justice, donne un mauvais sort aux Toulousains mécréants, car ils sont si rebelles à ses commandements que chacun les tient cachés et ils troublent le monde. Si le comte Raimon s'appuie encore sur eux, je tiens cela pour mauvais.
Rome, il est bien confondu et peu lui vaut sa force celui qui crie contre vous, bâtit château et forteresse, car il ne se met ni ne s'établit en si haut lieu que Dieu ne reconnaisse son orgueil et son iniquité, ce qui lui fait perdre tous ses avantages extérieurs et subir double mort.
Rome, je me réjouis de ce que le comte et l'empereur (5), depuis qu'ils se sont détournés de vous, n'aient guère plus de pouvoir; vous avez brisé à votre gré leur folle attitude et leurs mauvais projets, car personne ne peut vous résister, tout guerrier qu'il soit, et sa puissance ne lui vaut plus rien.
Rome, j'espère que votre Seigneurie et la France, en vérité, ennemie de toute voie inique, fera tomber l'orgueil et l'hérésie. Fais tenir tranquilles ces hérétiques hypocrites qui ne craignent point les défenses (de l'Eglise) et ne croient pas aux mystères, tant ils sont pleins de félonie et de mauvaises pensées.
Rome, vous savez bien que leur échappe difficilement qui écoute leurs leçons. Ils tendent fort bien leurs pièges avec de faux appâts et tous s'y attrapent ; ceux-ci deviennent tous sourds et muets, ce qui leur enlève tout moyen de salut (6), et chacun d'eux est perdu; ils n'ont plus ni chapeau ni manteau, et demeurent nus (7).
Distingués et instruits (8), ils naissent, sans erreur, pour être brûlés ou pendus, car leur mauvaise vie n'eut jamais ni vertu ni foi, du moins nous ne l'avons jamais entendu dire. Si leur vie en ce monde eût été conforme à la loi, Dieu., je le crois, l'aurait bien accueillie, mais elle n'est pas loyale.
Qui veut être sauvé doit dès maintenant prendre la croix pour renverser et punir les hérétiques hypocrites; car le Dieu du ciel est venu ici étendre ses bras entièrement pour ses amis ; et puisqu'il a souffert une telle peine, bien méchant est celui qui ne le veut entendre et croire en ses leçons.
Rome, si vous laissez encore rogner ceux qui vous font honte devant le Saint Esprit (quand on le leur explique, ils sont si follement menteurs qu'ils fuient la vérité) vous n'y aurez point d'honneur; Rome, les traîtres sont si pleins de leur erreur que chacun d'eux pousse chaque jour sa folie le plus haut qu'il peut.
Rome, c'est une entreprise insensée que de discuter avec vous. Pour l'empereur, je dis que s'il ne se met point d'accord avec vous, le plus grand déshonneur atteindra sa couronne, et ce sera justice. Mais, au contraire, avec vous trouve sans tarder son pardon qui noblement confesse ses torts et il n'en est plus tourmenté.
Rome, que le Dieu de
gloire qui pardonna à Madeleine, ce qui nous fait espérer bon
revient, fasse mourir de la même peine qu'un hérétique, en sa
personne, ses biens et son mauvais coeur, le fou enragé qui
répand tant de mensonges.
Gormonda: lo tèxt occitan dau
sirventés
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