Las corts trobadorencas
de Montpelhièr e de Nimes
segon S. Stronski
A prepaus de Folquet de Marselha, , Strónski, dins son estudi pro menimós e pro rigorós sus aqueste trobador e l'ambient istoric ont se debana sa vida de trobador amorós e puoi d'avèsque persecutaire, dòna quauques paginas que nos interessan mai que mai per remetre en plaça la cort de Guilhèm VIII e son ròtle dins l'istòria literària occitana. (S. Stroński , Le troubadour Folquet de Marseille. Cracovia, 1910, reprint Statkine, 1968, pp 12*-15*)
III.
LA COUR DE NÎMES.
La chanson II est envoyée " vers Nîmes " et adressée " aux trois dames ". L'indépendance de la cour de Nîmes ne dura que jusqu'en 1187: avant cette date Nîmes était sous la domination de Bernard Athon (1159-1187), fils posthume de Bernard Athon et de la vicomtesse Guillaumette, de la maison de Montpellier, sa tutrice jusqu'en 1174 et qui vivait encore en 1197. Sa femme fut Garsinde dont on ignore la maison et qu'il n'a peut-être pas épousée avant 1180, date à laquelle il atteignit l'âge de vingt ans (1). Ces deux dames, sa mère et sa femme, et une troisième, peut-être une sœur inconnue du vicomte, sont probablement les trois dames de Folquet (2) . La vicomté de Nîmes fut alliée à la maison d'Aragon et de Provence à partir de 1179 et c'est sans doute après cette date seulement, entre 1180 et 1187 que Folquet noua de relations avec cette cour, une des plus voisines de Marseille (3).
(1) Histoire générale de Languedoc VI, 120 ss. (2) A plusieurs dames s'adresse p. ex. Peire Vidal dans 864, 14: Vers, vai t'en ves Montoliu E di.m a las tres serors (éd. Bartsch 14) ou bien dans 864, 20: Sal Dieus las domnas de Biolh (éd. Bartsch 5) ; cf. Raimon Jordan 404, 2: Car de las tres meillors etz plus valens (ms. A 568, ms. a 266). (3) L'opinion de M. Zingarelli (27-8, note 82), que cette chanson est la preuve des relations de Folquet avec Raimon V de Toulouse, qui s'empara de Nîmes en 1187, n'a rien de vraisemblable : quelles auraient été les trois dames à une cour qui, à vrai dire, n'existait plus après cette date, et qui aurait compris qu'une chanson envoyée vas Nems fut destinée au comte de Toulouse ?
IV. LA COUR DE MONTPELLIER.
La cour de Montpellier fut, à l'époque de Folquet, le théâtre d'aventures étranges. Guillaume VIII seigneur de Montpellier épousa Eudoxie, fille de l'empereur Manuel Comnène (1148-80) en des circonstances tout à fait extraordinaires: la princesse, demandée en mariage par Alfonse II d'Aragon, vint à Montpellier, mais, le roi ayant épousé entre temps Sanche de Castille, les ambassadeurs byzantins cédèrent aux instances du seigneur de Montpellier et lui donnèrent pour femme Eudoxie, en stipulant que l'enfant né de ce mariage, fils ou fille, hériterait de la seigneurie de Montpellier. Après douze ans de vie conjugale, et lorsqu'à Constantinople une autre dynastie s'empara du pouvoir (1185), Guillaume répudia Eudoxie, qui ne lui donna qu'une fille, Marie. Il lui faisait reproche l'infidélité, à tort ou à raison, et l'enferma, à ce qu'il paraît, dans le monastère d'Aniane, en la plaçant sous la tutelle de son oncle Raimon Guillelmi, abbé du dit monastère, où elle mourut quelques années plus tard. Le second mariage de Guillaume, avec une parente du roi d'Aragon, mariage contracté en 1187, et dont il eut plusieurs enfants, dut être annulé, bien que la politique de Guillaume, favorable à l'Eglise, lui eût permis de faire traîner le procès pendant quinze ans. Guillaume mourut quelques jours après cet arrêt de la Cour pontificale et alors sa seconde femme fut assassinée avec tous ses enfants par les bourgeois de Montpellier qui rendirent la seigneurie à Marie laquelle eut, elle aussi, une destinée bien troublée: mariée à Barral de Marseille en 1191 environ, veuve en 1192, forcée de signer l'acte de renonciation à la seigneurie de Montpellier et mariée, en 1197, à Bernard comte le Comminges, un débauché qui avait répudié ses deux premières femmes, répudiée à son tour par lui en 1201, élevée à sa seigneurie de Montpellier en 1202, mariée à Pierre roi d'Aragon en 1204, mère de Jacme I le Conquérant, malheureuse par ce mariage dès 1206, comme elle l'avait été par l'autre, répudiée de nouveau en 1213, elle mourut, quelques mois après, à Rome.
Des allusions se rapportant à la cour de Montpellier se trouvent dans les poésies de plusieurs troubadours de marque. Peire Vidal, en célébrant le roi et la reine d'Aragon dans sa chanson 864, 11, composée entre 1182-5, rappelle et approuve l'abandon d'Eudoxie par le roi (1). Bertran de Born, au contraire, s'empare de ce fait dans un de ses deux violents sirventès contre le roi d'Aragon (80, 82) composés vers 1184 (2). Giraut de Borneil célèbre l' " impératrice " dans 242, 75. Arnaut de Marueil adresse sa chanson 80, 8 au seigneur de Montpellier à une date inconnue, Perdigo lui envoie la chanson 370, 3 (A 462), Guiraut de Calanso lui dédie sa célèbre chanson allégorique 243, 2, sans doute vers la fin du règne de Guillaume (3).
Notre troubadour [Folquet de Marseille] adressa à la cour de Montpellier trois chansons qui se suivirent d'assez près. Dans sa chanson III (155, 23) Folquet célèbre l'" impératrice ", vers la fin du séjour de celle-ci à Montpellier, en 1185/6 environ. Dans la chanson IV (155, 27) il consacra une strophe à la répudiation d'Eudoxie: alors elle n'est plus à Montpellier (50-6) et son mari est accusé de folie (60). Cette chanson fut donc composée après la répudiation d'Eudoxie et, paraît-il, avant le nouveau mariage de Guillaume, vers 1186/7.
Enfin, dans la chanson V (155, 8), composée peu de temps après, Folquet exalte la valeur de Guillaume et implore son pardon: ceci se rapporte, naturellement, aux paroles désobligeantes dont il s'était servi contre lui dans sa chanson précédente. Avait-il acquis la conviction de la culpabilité d'Eudoxie? On ne sait et il est plus simple de faire remarquer que le mariage de Guillaume (avril 1187) avec une parente du roi d'Aragon, témoigne que la répudiation d'Eudoxie fut approuvée par le roi. Folquet, troubadour qui le célébrait, à sans doute cru devoir tenir compte de son opinion, d'autant plus que les relations de la cour de Marseille avec celle de Montpellier se nouaient heureusement, puisque, quelques années plus tard, Guillaume maria sa fille Marie à Barral.
(1) j'ajoute ici que la date est bien 1182-5, comme il résulte de la mention de Sanche de Provence et même 1183-4, parce que certains traits de cette chanson ont été exploités par Bertran de Born en 1184 (cf. la note suivante). (2) Bertran de Born emprunte évidemment à la chanson de Peire Vidal ce qu'il dit de Sanche de Provence (ef. p. 12" n. 1) ainsi que l'allusion à " l'impératrice ", qui repose sur celle de Peire Vidal (Que d'aur cargat mil camel /ab l'emperi Manuel " dans P.V. et " l'aver que Manuels trames / E la rauba e tot l'arnes " dans B. de B.) : son sirventès est donc un peu postérieur à cette chanson. (3) Le titre de " Marqués " que Guillaume y reçoit (en rime) n'est pas historique : celui de comte que lui donne M. Zingarelli (pp. 27, 41) non plus.